Mémoire Vive 2 : Jeanine

Se souvenir de Jeanine, c'est se souvenir des bonnes choses.

Naturellement, autant de personnes ici présentes, autant de souvenirs différents. Personnels, collectifs parfois. Et c'est heureux.

Un ami me disait récemment: « Il faut, entre les personnes, privilégier ce qui nous rapproche ».

Et entre les êtres de bonne volonté, l'on peut parvenir à cet état.

Jeanine était de ce genre, c'est pourquoi la remarque de mon ami lui va si bien.

Car elle avait son caractère, assez trempé me semble-t-il.

Ce caractère, vif et enthousiaste, constituait sa personnalité.

Quand nous sommes arrivés à Saint-Christophe, au pays de rudes montagnards qu'il a fallu apprivoiser, comme Jeanine n'était pas du sérail, cela nous a rapprochés. Déjà, un point commun. Même si nous venions...de France, avec les origines que la destinée nous a attribuées.

Avec le ton chantant de la voix de Jeanine, nous savions de quel côté de la France elle était issue. Quelque part au Sud, sûrement pas de Lille ou de Bretagne.

C'est vraiment à partir de sa prise de retraite que nous allions faire plus ample connaissance, car elle s'installa à demeure aux Rigues de Saint-Christophe vers 1985.

Une personne ne se résume pas, cependant, à une partie de son existence. Nous n'avons pas ou peu évoqué sa vie d'avant. Par pudeur. Par discrétion. Et elle aimait plutôt vivre l'instant, le moment présent, cultiver la partie positive de l'existence. En outre, dans les relations aux autres, elle ne se départissait pas d'une grande courtoisie.

Ce qui était impressionnant chez elle, c'était son insatiable curiosité des choses, curiosité qui vagabondait sur des centres d'intérêt très divers et qui se déclinait en périodes.

Il y eut les travaux de couture. Sylvie me rappelait qu'elle porte encore une veste en polaire réalisée par Jeanine il y a une trentaine d'années, preuve de la qualité du travail exécuté !

Il y eut le travail du bois, facilité par le cadeau de ses collègues de travail, qui l'équipèrent de tout un ensemble d'outils ad hoc.

Il y eut le ciel et ses lucioles qu'elle a, j'aime à croire, rejointes. « Nous sommes tous des poussières d'étoiles ». Je fais allusion aux mots d'André Brahié dans Enfants du Soleil.

N'avait-elle pas fait le voyage à la Réunion en 1986 pour observer idéalement la comète de Halley – qui ne fut pas si brillante que ça ? En 1997, Hall Bopp nous avait enchantés, depuis Saint-Christophe. Ironie des étoiles, et comète s'il en est.

Il y eut les voyages et là, les Lofoten auraient bien des anecdotes sur les voyages qu'elle fit avec eux. Puis ce voyage magistral en Afghanistan, dans la vallée du Panchir, fief de Massoud, son grand homme.

Mais peut-être son voyage le plus intime, pour ne pas dire grandissime, car affectif de cœur, déclaré, à peine chuchoté, ce voyage séjour en cette vallée du Vénéon à laquelle je ne saurais dire son attachement.

Il y eut, à La Bernardière, quelques rares journées dans l'année où nous allumions le four accompagnés de notre mentor, Claude Turc. Nous confectionnions une trentaine de bons pains, distribués ensuite alentour.

Et puis, et puis, ce serait un oubli impardonnable de ne pas évoquer sa passion sans réserve pour le ballon ovale. Ses yeux brillaient comme jamais dès qu'elle abordait ce sport, ce sport indissociable de sa ville de prédilection, notamment lorsqu'elle prenait son abonnement annuel aux matchs et aux entraînements de ses « petits » protégés.

J'oublie sans doute bien des choses que chacun comblera à sa manière. Car il ne s'agit pas de faire là un catalogue exhaustif.

J'ajouterai à ce texte – si vous m'autorisez à le dire – qu'elle fut pour nous, les membres de la famille Roche, une seconde maman. Après tout, n’avions-nous pas l'âge d'être ses enfants, étant de la génération de ses enfants légitimes, Josy et Jean ?

Merci Jeanine d'avoir partagé tant et tant.

Et nous te souhaitons un bon voyage à travers les étoiles.

DR 8 mai 2022, Vièrge du Collet

Pour ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants