Mémoire Vive 1: Réveillonner
Un réveillon du Nouvel An à Saint-Chistophe-en-Oisans
Il était une fois un petit village de montagne, Saint-Christophe-en-Oisans, où résidaient encore quelques familles.
L'hiver était arrivé avec une abondante moisson de neige en ce mois de décembre, et les habitations s'étaient terrées sous l'épais manteau neigeux. Le grand silence, ouaté, enveloppait l'espace, apaisant de ses bras invisibles toute vie.
À l'approche de la nouvelle année, et comme pour marquer leur volonté de célébrer la fête païenne, les hommes avaient décidé de trancher sur la somnolence de la nature, pour une soirée au moins, celle du 31 décembre. Un réveillon en commensaux, pour couper les solitudes saisonnières. La vie communautaire renaissait! Tout allait se dérouler dans la grande simplicité dont les hommes ne se départaient, ni face à l'empreinte du temps, ni face à leur environnement ; même si, dans ces montagnes-là, ils en subissaient l'influence titanesque. En raison du mauvais temps, la petite route qui venait de la vallée de Bourg d'Oisans à Saint-Christophe se trouva vite impraticable après le passage du chasse-neige et une trentaine de personnes se trouvèrent isolées.
La neige était tombée pratiquement toute la journée du 31 décembre. Nous espérions très fort amener les gens à se retrouver en cette veille de 1980, pour une fête dans le bureau désaffecté de la maison du parc à Saint-Christophe. Nous installâmes un poêle antique, le rafistolâmes au mieux, et celui-ci nous récompensa de l'avoir rajeuni en répandant sa joyeuse chaleur pour notre plus grand confort, physique et moral. Il fallut également nous transformer en ramoneurs, faire la toilette du conduit de la cheminée.
Malgré le feu, la pièce gardait un aspect sobre, voire austère. Pendant la journée, nous avions rendu visite aux habitants des hameaux des Granges et de Bernardière afin de nous assurer de la présence de chacun ; maintenant, les derniers préparatifs de la pièce étaient terminés.
À 18h, la route qui mène de Saint-Christophe aux deux hameaux n'était pas encore dégagée, et nous redoutions que les gens ne puissent se déplacer. Nos craintes s'envolèrent lorsque notre vaillant serviteur au déneigement, Claude Tairraz, assura à l'aide de sa puissante machine une trace qui permit aux réveillonneurs de s'acheminer à la ville.
Le premier à arriver fut Claude Turc des Granges, puis successivement Pierre Turc et sa soeur Zoé Paquet, les petites filles du Père Gaspard, les familles Colin et Bardon, et les trois gardes-moniteurs du Parc National des écrins. Vinrent également se joindre à l'assemblée Claude et Maryse Tairraz ainsi que leur fille.
Nous nous trouvâmes une vingtaine, et la soirée fut largement employée puisqu'elle se termina à deux heures le matin.
Le repas se composa d'une chaude et réconfortante soupe de légumes, de pâté, jambon, fromage, fruits et cèpes, l'ensemble accompagné de bons vins apportés par tous.
Les gardes proposèrent ensuite une petite séance de diapositives concernant le village, mais un montagne hâtif nous résérva des surprises telles, que les gens n'arrivaient plus à reconnaître leur pays !
Vint l'heure où nous échangeâmes les vœux traditionnels de bonne année ; nous entrechoquâmes nos verres remplis de champagne et de clairette, accompagnés de parts de tarte aux pommes et de petits gâteaux.
Nous voulons bien penser que chacun apprécia cette soirée sans prétention, et l'on se donna rendez-vous courant janvier pour tirer les rois.
D. R.